Ballodromes recense et répertorie près de 400 terrains de balle pelote et autant de villages de Flandre et de Wallonie.
Longtemps considéré comme l’un des sports les plus populaires en Belgique, la balle pelote a la particularité d’avoir des terrains délimités par des lignes blanches peintes à même le sol sur les places des villages.
À travers le regard observateur et méthodique d’Andy Simon, le livre Ballodromes témoigne de l’évolution d’un territoire et de ses usages, de la transformation de ces places où s’incarnait auparavant la vie sociale d’un village.
Ballodromes
Andy Simon
Texte
Benoît Goffin
304 pages, 15 x 21 cm
couverture toilée avec marquage
Octobre 2022
ISBN 978-2-490140-38-1
Co-édition | Poursuite Editions & Studio Ursa Major
Atypique, la balle pelote l’est assurément, fragile témoignage d’une société à jamais révolue, fossile vivant tentant de survivre à l’heure d’une modernité à laquelle elle semble peu adaptée ; singulière, la démarche d’Andy Simon l’est tout autant, lui qui s’attache à répertorier les traces laissées par le jeu de balle dans le paysage, son paysage. A travers ses photographies, la balle pelote se révèle en un large inventaire d’aires de jeu – les ballodromes –, naviguant constamment entre passé et présent, omniprésence et effacement, survivance et déshérence.
Le travail d’Andy Simon dénote rigueur et exigence. Un même cadrage, une lumière uniforme ou une absence humaine caractérisent un protocole photographique soucieux d’uniformité. Son approche est surtout faite de sérialité – plus de 380 ballodromes photographiés – apportant l’indispensable consistance, et donc le sens, au corpus ainsi créé. Pourtant, uniformité et sérialité ne signifient nullement banalité. A travers cette enquête, les aires de jeu trouvent, chacune individuellement, leur pertinence. Paradoxalement, derrière l’apparente répétition de l’objet photographié, la permanence de traits communs – toujours cette même délimitation de l’espace – révèle l’unicité des lieux. Chaque ballodrome traduit ainsi son intégration à un espace public singulier, une articulation à l’environnement à chaque fois réinventée.
Si l’inventaire photographique permet de démontrer l’importance du phénomène social et culturel – démarche ô combien utile à l’historien d’aujourd’hui et de demain –, il tend aussi, cruellement, à souligner de déclin de la balle pelote. La plupart de ces ballodromes ne sont plus, s’apparentant aux décors d’un théâtre définitivement fermé. Leurs lignes s’effacent inexorablement, faute d’acteurs et de spectateurs pour leur donner un sens.
Le travail d’Andy Simon est avant tout documentaire. Sans autre souci apparent que de répertorier un maximum de ballodromes, il consiste à établir un état de la question à un moment donné. Derrière la pertinence de l’enquête, se cache indubitablement une dimension d’urgence. Urgence de constituer l’inventaire de terrains qui risquent de disparaître sans crier gare, au détour d’une réaffectation ou d’une rénovation de l’espace public. Lorsque Andy Simon photographie un ballodrome en Province de Namur, une autre aire de jeu disparaît au même moment, en Brabant wallon ou dans le Pays de Charleroi, recouverte d’un asphalte occulteur de mémoire. Urgence, enfin, de prendre conscience de l’intérêt d’un patrimoine peu spectaculaire, dont les autorités publiques et la population ne semblent pas encore percevoir la valeur.
Le travail d’Andy Simon est loin de se limiter à sa dimension documentaire. En révélant à certains le sens de ces mystérieuses lignes sur nos places, il donne les clés de lecture d’une culture en train de disparaître. En convoquant chez d’autres – et ils sont nombreux – les riches souvenirs attachés à ces ballodromes, le photographe se fait archéologue d’un imaginaire qui ne demande qu’à revivre. En se lançant dans cette quête obsessionnelle – tentative engagée et désespérée de sauvegarder les traces de la balle pelote, sa balle pelote –, Andy Simon fait un travail d’historien, tout autant qu’œuvre artistique.
Benoît Goffin, historien.
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